Séminaire de Jane Wottawa (LIUM)

 

Date : 15/03/2024
Heure : 10h15
Lieu : IC2, Salle des conseils
Intervenant : Jane Wottawa
 
 

To [h] or not to [h] ? Production en L2 de /h/ en discours semi-spontané par des apprenants français de l’anglais et de l’allemand.

 

La présente étude examine la production de /h/ ou l’absence de /h/ dans la parole semi-spontanée en L2 parmi deux groupes distincts de locuteurs natifs français apprenant l’anglais (FE) ou l’allemand (FG). Les langues secondaires qui diffèrent de la première langue (L1) en termes de phonotactique et d’organisation prosodique représentent un défi pour les habitudes articulatoires et perceptives des apprenants (Flege, 1995, Weber & Cutler, 2006). L’anglais et l’allemand possèdent tous deux la fricative aphone /h/ dans leur inventaire, contrairement au français moderne, dont le n’est présent qu’orthographiquement. Elle est donc considérée comme un “nouveau” phonème selon la terminologie de Flege (1995).

 

Des études antérieures ont montré que les apprenants français d’anglais et d’allemand laissent souvent tomber le /h/ ou ont recours à l’épenthèse h dans les hiatus ou les mots commençant par une voyelle (anglais : Kamiyama et al. 2011, Exare 2021, Capliez à paraître ; allemand : Quiehl 1906, Wottawa 2017). John et Cardoso (2009) remarquent que la délétion de h est une caractéristique “stigmatisée” du discours francophone en anglais. Par conséquent, ” les francophones consacrent des efforts considérables pour surmonter le problème ” (2009, p. 120). L’ouvrage de Quiehl sur la prononciation de l’allemand accentué en français, publié au début du vingtième siècle, fait également état de la difficulté des apprenants français à prononcer le /h/ en allemand en raison du non prononcé dans leur L1 (Quiehl 1906, pp. 100-101).

Alors que l’allemand présente rarement des cas de suppression de h dans les mots grammaticaux, les anglophones réduisent souvent l’auxiliaire have à /ǝv/ et les pronoms his, her, him à [ɪs], [ǝ], [ɪm]. Cela peut avoir un impact sur la prononciation des apprenants français et sur leurs représentations sous-jacentes de /h/ en anglais par rapport à l’allemand. En outre, John et Cardoso (2009) pour l’anglais L2 et Wottawa (2018) pour l’allemand L2, indiquent tous deux que la tâche a un impact sur la prononciation de /h/ chez les apprenants.

 

La présente étude s’inspire de la méthodologie de Wottawa (2018) qui utilise une tâche de description d’images par des apprenants français d’allemand de première année d’université (n=15) pour mesurer la compétence en prononciation et l’étend aux apprenants d’anglais (n=12). La description d’images étant indépendante de la langue, la même image a été utilisée pour les deux groupes d’apprenants. Les éléments clés de l’image ont donné lieu à des mots contenant un /h/ initial dans les deux langues, par exemple “hopscotch” en anglais et “Himmel und Hölle” en allemand. Plusieurs études ont choisi des tâches de lecture pour mesurer la prononciation de /h/ dans la parole en L2 (Kamiyama et al. 2011, Capliez à paraître), tandis que d’autres ont utilisé à la fois la lecture et des entretiens informels (John & Cardoso). Fortkamp (2000) et Sample & Michel (2014) utilisent des tâches de description d’images pour mesurer la fluidité, mais à notre connaissance, peu de choses ont été faites pour comparer les difficultés de prononciation segmentale dans deux L2 en discours semi-spontané.

 

Les résultats préliminaires de notre étude montrent que FE et FG produisent environ 75% des /h/ initiaux de mots comme [h]. Un examen plus attentif de la production indique que certains apprenants ont tendance à éviter de choisir des mots contenant un [h] initial. Le pourcentage élevé mentionné ci-dessus peut être trompeur : le degré de diversité lexicale et la sélection stratégique de mots ne contenant pas /h/ pour décrire l’image doivent également être pris en compte. L’étude cherche à savoir si cet évitement est lié à la faible taille du vocabulaire et donc à la faible compétence en L2 (Ovtcharov et al., 2006) ou s’il s’agit d’un choix individuel d’éviter des segments qui sont liés à des difficultés de production, étant le résultat d’effets de compromis potentiels sur la mémoire de travail (Skehan 2009, Bygate 2009).